Libre Opinion : La Côte d’Ivoire n’est pas une création du PDCI-RDA

Landry KOUAME Jeu 15 Mai 2025 politique [583 articles] 223 Vue(s)
La Côte d’Ivoire n’est pas une création du PDCI-RDA
« La Côte d’Ivoire sans le PDCI-RDA n’existe pas. C'est pas compliqué!» Ces mots de Tidjane Thiam, fraîchement réélu à 99,77 % à la tête du vieux parti le mercredi 14 mai 2025, résonnent avec éclat, mais aussi avec excès pour tout ivoirien qui a du bon sens. Si l’intention de l'ex banquier est sans doute de galvaniser les militants désabusés des turpitudes du parti, la formule, elle, franchit dangereusement les frontières du bon sens historique et du respect des faits.

Non,  Tidjane Thiam, la Côte d’Ivoire n’est pas née du PDCI-RDA. Elle lui est antérieure, à la fois dans sa géographie, son histoire, son âme et dans son essence politique. Le PDCI-RDA, fondé en 1946, né lui-même du syndicat agricole africain (SAA) n’a été qu’un acteur parmi tant d'autres de l’émancipation politique de ce territoire millénaire, autrefois sous occupation française. Le Pdci-Rda n'a pas lutté tout seul pour l'indépendance de la Côte d'Ivoire. Notre pays a connu le multipartisme avant les indépendances. Le Pdci-Rda l'a malheureusement réinstallé durant 30 ans dans un monopartisme de fait en violation de l'article 7 de la Constitution du 3 novembre 1960.

De nombreux partis ont contribué à l'émancipation. Outre le Pdci-Rda, citons le Parti Progressiste de Côte d'Ivoire (PPCI). créé en1946 avec pour leader Kouamé Binzème. Nous avons aussi l'Entente  des Indépendants de Côte d’Ivoire (EDICI) créé fin 1940 de  Venance Konan (à ne pas confondre avec le journaliste) dont était proche Barthélémy Kotchy. Le Parti Socialiste Africain de Côte d’Ivoire (PSA-CI) créé en 1959 avec pour leader Jean-Baptiste Mockey. On peut aussi citer la section ivoirienne du Mouvement Socialiste Africain (MSA) de Sékou Sanogo, le Bloc Démocratique Éburnéen (BDE) créé vers 1949 avec pour leader Étienne Djaument, un autre syndicaliste.


Le Pdci-Rda a juste accompagné l’indépendance de la Côte d'Ivoire en absorbant ces différents partis ou syndicats de gré ou de force. Il l'a gouvernée les premières années, mais il ne l’a ni inventée, ni façonnée seul.

La Côte d’Ivoire existe par-delà les partis, les hommes et les régimes. Elle existait bien avant Houphouët-Boigny, et elle existera bien après Alassane Ouattara. Comme le disait justement Montesquieu, « Un homme n’est pas grand parce qu’il domine, mais parce qu’il sert. » Le PDCI a servi la Nation ivoirienne, mais ce parti ne peut se l’approprier.


Les Ivoiriens ont survécu à la chute du parti unique en 1990. Ils ont rebâti une démocratie multipartite, où le FPI, le RDR (aujourd’hui RHDP), l’UDPCI, le MFA et bien d’autres formations ont incarné, à leur tour, des portions du destin national. En 1999, un coup d’État militaire a mis fin à 39 ans de règne du PDCI. Et pourtant, le pays a poursuivi son chemin, entre crises, résilience et progrès. Le passage du pouvoir à Laurent Gbagbo, puis à Alassane Ouattara, et bientôt à une nouvelle génération, démontre que la Côte d’Ivoire n’est prisonnière d’aucun sigle politique.


Ce type de déclaration, sans nuance, témoigne d’un orgueil mal placé. Elle rompt avec le style sobre et mesuré auquel on s’attendait de la part d’un homme du sérail international, habitué à la rigueur des grandes institutions. Elle trahit aussi une difficulté à comprendre les attentes profondes des Ivoiriens. Les ivoiriens ne veulent pas la nostalgie d’un passé glorifié, mais un engagement lucide pour un avenir inclusif, démocratique et apaisé.


Tidjane Thiam ferait mieux de rassembler sans exclure, de bâtir sans diviser, de parler à la Nation ivoirienne sans chercher à l’embrigader dans un schéma politique réducteur. La Côte d’Ivoire a besoin d’hommes d’État capables de comprendre cette maxime d’Antoine de Saint-Exupéry, « Être homme, c’est sentir, en posant une pierre, que l’on contribue à bâtir le monde. »


Alors Tidjane Thiam, la Côte d’Ivoire ne se confond pas avec le PDCI-RDA. Elle est plus grande que tous les partis, y compris le vôtre. Elle est la somme de ses peuples, de ses douleurs, de ses espoirs et de sa mémoire collective. Elle est, tout simplement, la Côte d’Ivoire comme le dit si bien la devise de la commune de Bouaké '' De nombreux peuples, une seule cité ''. 


Allah KOUAME, Journaliste, écrivain

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